DE LA RUE DE LA SAUNERIE À LA PLACE DE JÉRUSALEM
Cette ruelle n’existe plus aujourd’hui.
Pour mémoire, le texte qui suit a été écrit au XIXe siècle :
Cette rue, jadis englobée dans la désignation générique de tout le quartier de la Juiverie, n’a reçu qu’en 1843 un nom spécial.
C’est là qu’existait anciennement la seconde barrière qui servait à enfermer les juifs dans leurs quartiers : Carreria Saunarie ante secundum cancellum Judeorum, dit un acte de 1531.
L’autre barrière était dans la rue Jacob.
La Juiverie formait anciennement une communauté à part qui avait son organisation particulière sous la juridiction et la surveillance du Viguier d’Avignon. Elle comprenait, outre les habitations des juifs, la synagogue, l’école des hommes et celle des femmes.
Derrière l’école, était un lieu dit Lazina, où se faisaient les mariages, et un autre lieu dit Lazara, ou Hazara, dont nous ignorons la destination. Une petite place dite du Parquet, au milieu de laquelle était un puits, servait de forum à la tribu.
C’est sur cette place, qui fut successivement agrandie par les maisons qu’on démolit en 1613, 1637, etc. qu’était le four des pains azymes.
Les juifs, qu’on s’accorde à représenter comme persécutés à outrance par le gouvernement papal, n’apparaissent pas sous un semblable jour dans les actes qu’il nous a été donné de consulter.
Nous les voyons, du XIIe au XVIe siècle, s’enrichir par le trafic*, la finance et l’exercice de la médecine. Ils soumissionnent toutes les fermes de la Chambre Apostolique et demeurent adjudicataires du plus grand nombre. Il est vrai qu’ils savent faire tourner une partie de leurs richesses à se concilier la faveur des grands.
Ils servent à l’Évêque une rente en épiceries du Levant. Ils fournissent au Recteur du Comtat toute la literie nécessaire à ses gens. Ils envoient au chapitre de Notre-Dame des Doms la langue des bœufs tués à leur boucherie spéciale. La veille de la Fête-Dieu, ils balayent et tendent des toiles sur toute la partie de la place du Palais que doit parcourir la procession.
Ce sont encore les juifs qui, la veille de la Saint-Jean, fournissent les fagots du feu de joie qui doivent s’allumer en l’honneur des nouveaux consuls de la cité. Ces services, faits d’abord à titre gracieux, devinrent par la suite obligatoires. Mais la synagogue sut toujours, par le canal de l’intérêt, arriver au cœur des puissants.
Il faut dire aussi que le bas peuple que les juifs pressuraient par l’usure et auquel la vénalité des magistrats enlevait tout espoir de justice, haïssait les enfants d’Israël et saisissait avidement les occasions de les molester.
Peuple par l’origine, le bas clergé s’associait instinctivement à cette aversion et battait des mains quand, à défaut de l’Inquisition et des magistrats, Dieu affligeait la Juiverie de quelque désastre.
Un nommé Rolland, ouvrier du chapitre Saint-Agricol, nous a laissé, au frontispice d’un livre de la perception des lods, ce triste témoignage de son peu de charité à l’encontre des israélites :
À mon premier commencement
Soit Dieu le Père amplement !
L’An MVC et XIII, et le VI° de mars, les juys en la juyerie de Avinion faisans grande feste et noëces en une maison dedens la dicte juyerie. La dite mayson enfondra et tua XXIII personages que hommes que femmes et furent blechiés plus de XI. Ainsy feussent-ils tous relement agaris.
* Ce mot n’avait rien de péjoratif à l’époque, aujourd’hui on emploierait plutôt le mot « commerce ».