Bourg Neuf (Rue du Bourg Neuf)

DE LA RUE DES TEINTURIERS À LA PLACE DE LA PYRAMIDE
Actuellement rue Bourgneuf

 

On a dû d’abord donner ce nom à l’ensemble des maisons qui s’élèvent en dehors du Portail Peint.

Les anciens documents donnent à cette rue bien des désignations différentes et semblent parfois la confondre avec la rue du Pont Troucat et celle de la Courreterie des chevaux.

Voici quelques-unes de ces désignations :

– Domus in carreria Burgi novi ; confrontans ab Oriente carreria vulgariter dicta, la Bonne Carrière, 1485

– Domus in carreria Burgi novi seu Corraterie equorum, confrontans a parte retro cum carreria qua itur a Portali Picto ad Pontem Traucalum, 1550,

– Rue Bourg-neuf ou Pont Troucat, 1678,

– Rue du Bourg-neuf, sive de la Masquarié, 1771.

Nous avons dit que la rue du Bourg-neuf aboutissait à la place de la Pyramide. Voici à quelle occasion cette pyramide fut élevée et comment elle a ensuite disparu.

Peu de temps après que Louis XIV eut restitué au Pape les États d’Avignon et du Comté Venaissin, le Vice-Légat Alexandre Colonna publia, sous la date du 15 octobre 1664, un règlement d’une sévérité outrée. Après quelques réclamations qui échouèrent la population irritée courut aux armes.

Cette prise d’armes eut lieu le 25 octobre et on prétend qu’il ne se leva pas moins de quinze mille hommes. La garnison italienne fut aisément chassée de la ville et le Vice-Légat, se voyant sans défense, révoqua son régiment.

Colonna n’avait fait que dissimuler, car ayant expédié secrètement des courriers au duc de Mercœur, gouverneur de Provence, afin d’obtenir des secours, il alla rejoindre à Villeneuve le 2 février 1665 accompagné de tous les officiers de la Légation et entra solennellement le même jour dans la ville, escorté par les troupes françaises et accompagné du gouverneur et du premier Président du Parlement d’Aix.

Les consuls, qui avaient vu venir l’orage, avaient inutilement imploré l’intervention du Roi de France. On ne leur avait répondu que pour leur ordonner la soumission. Ils allèrent donc au devant du Vice-Légat, en chaperon, lui demandèrent pardon à deux genoux et le supplièrent de les absoudre des censures qu’ils avaient encourues. Le Vice-Légat leur accorda cette absolution avec hauteur et solennité.

Les supplications qu’on fit faire à Rome eurent plus d’effet : le Pape Alexandre VII accorda une amnistie générale pour tous les excès commis pendant la révolte. MM. de Villefranche, père, le comte des Issarts, de Javon, de Chasteuil, de Saint-Roman, Chaissy et Anfonsi furent seuls exceptés de cette amnistie qui fut solennellement publiée le 4 avril 1665.

Ce même jour, le Vice-Légat congédia les consuls, désarma la population et prit dans ses mains la direction des affaires municipales. Il fit en même temps fortifier le Palais et procéder criminellement contre les chefs de la sédition qui se trouvaient en fuite.

Tous furent condamnés à être pendus par une sentence du 20 mai 1665 que Colonna lut et signa en pleine audience criminelle. On peignit l’effigie des fugitifs sur un tableau qu’on attacha à la potence. On publia ensuite un ban qui promettait 200 pistoles de récompense à ceux qui livreraient un des fugitifs.

Toutes ces rigueurs ne suffisant pas, on assembla au Palais le 2 juin 1665 tous les maçons de la ville. On les conduisit à la maison de Chaissy, l’un des condamnés, et on la leur fit raser.

On éleva, au moyen de matériaux de la maison démolie, une pyramide sur le sol qu’elle avait occupé et on plaça sur cette pyramide l’inscription suivante :

Cum viii kalend, novembris anni 1664.
Populari furore, seditiosorum hominum instinctu conflata, contempla prolegali auctoritas, præsidiarii milites urbe pulsi, palatium apostolicum obsidione vexatum, atque violata principis majestas, et sublata publica tranquillitas esset.
ALEXENDER VIII, PONT. MAX.
Contentus animadversione in septem præcipuos defectionis auctores,
Thoassum De Tulla De Villa Franca, Claudium De Galéan Des Issarts, Paulum-Artholomeum Baroncelli-Javon, Franciscum Josephum De Puget De Chasteuil, Gasparem De Conceyl De Saint-Roman, Clementem Chaissy, et Petrum Anfonsi ;
Eadem causa capitis damnatos, et quia merita sese pœna subduxerunt, effigiæ corum infelici ligno addictæ, publicatisque bonis et unius domo eversa, ejusque loco pyramide erecta, sententiam passos, reliquæ multitudinis errore paterno animo ignoscendum putavit, exque justitiæ et clementiæ temperatione, republica egregie constituta, Deo Sedique Apostolicæ ac sibi alteram Romam restituit.

Deux des fugitifs, MM. de Villefranche et Chaissy, moururent en exil. Louis XIV ayant intercédé pour les autres, obtint leur grâce entière. Ils retournèrent à Avignon le 24 août 1677.

En 1768 Louis XV, après s’être emparé des états citramontains de l’église, permit aux consuls de faire disparaître, en rasant la pyramide, les traces d’une répression qui d’ailleurs n’était point exempte de partialité.

 

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