Bonneterie (Rue de la Bonneterie)

DE LA RUE ROUGE À LA RUE DES TEINTURIERS

 

Sous cette dénomination assez moderne* se trouvent comprises trois ou quatre anciennes rues.

Une enseigne d’auberge avait valu à la partie supérieure de la Bonneterie le nom de rue Sauvage.

L’église paroissiale qui s’y trouvait fit prévaloir, dans la suite, le nom de rue Saint-Genêt.

La Bonneterie proprement dite s’étendait de la rue des Fourbisseurs à la rue Hercule. De là jusqu’à l’égout dit de Cambaud, s’étendait la rue du Marché des Cuirs et la partie restante jusqu’à la rue des Teinturiers s’appelait la rue de la Verrerie.

Ici étaient les marchands de verre. Il s’y en trouvait encore un en l’année 1781, qui portait un nom célèbre dans la verrerie de Provence : c’était monsieur Jean de Ferre.

La petite place, dite du Père Éternel, était le centre du marché des cuirs. Les habitants de ce quartier formaient une association charitable connue sous le nom d’Aumône du Marché des Cuirs. Plus anciennement la rue du Marché des Cuirs s’est appelée la rue de la Pelleterie ou de la Pelisserie parce que les pelletiers et fourreurs s’y étaient groupés.

Nous avons déjà nommé l’égout de Cambaud qui reçoit les écoulements des eaux de la Bonneterie. Son nom lui vient d’une famille distinguée d’Avignon à laquelle appartenait la maison située immédiatement au-dessus de cet égout. Le Père Justin Boutin cite Jean Cambaud parmi les personnages qui se distinguèrent le plus à Avignon pendant les guerres de religion par la sagesse de leurs avis et au besoin par leur valeur personnelle.

Il est à remarquer que le premier métier à tricot qui ait fonctionné à Avignon fut établi dans la maison au-dessus de l’égout de Cambaud, et qu’encore aujourd’hui cette maison renferme un atelier de fabricant de bas.

L’ouverture des égouts était anciennement assez grande pour qu’un homme pût y entrer aisément. Les malfaiteurs pouvaient, pour ceux qui aboutissaient aux Sorguettes, se transporter à une grande distance sans être aperçus, apparaître soudainement dans un quartier et sortir même de la ville après avoir commis quelque mauvaise action. De là, les légendes qui se répandent parmi le peuple au sujet de tel ou tel de ces égouts.

On raconte, au sujet de celui de Cambaud, que la servante d’un des membres de la famille dont il porte le nom était envers les mendiants d’une dureté révoltante. Non seulement elle ne leur donnait jamais rien mais elle préférait jeter au fond de l’égout les restes qu’elle avait dédaignés plutôt que d’en faire l’aumône à quelque malheureux affamé. Cette habitude attirait dans l’égout des bandes de chiens dont les grognements et les querelles fatiguaient tous les voisins.

Dieu voulut que cette malheureuse endurât son enfer sur la terre tant que le monde durerait, et pour cela, il fit passer dans le corps d’un chien l’âme qui venait de quitter son enveloppe humaine. Ce chien sans maître ne recevait que des coups, et il en était réduit pour vivre aux os qu’il trouvait dans l’égout de Cambaud. Quand le trou Chapotat débitait dans la Sorguette un peu plus d’eau qu’à l’ordinaire, ou que les eaux des ruisseaux enflés par les pluies faisaient entendre en tombant dans l’égout comme un long grognement, les voisins se disaient avec une sorte de terreur : «Entendez la servante de M. Cambaud, comme elle ronge son os !…»

 

* Ce texte date de 1857.

 

 

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