Saint-Didier (Place Saint-Didier)

DE LA RUE AUBANEL À LA PLACE DE SAINT-DIDIER

 

Elle doit son nom à l’église paroissiale qui la borde au nord.

Avant 1790 la majeure partie de cette place servait de cimetière : au milieu de ce cimetière était une croix, et sur cette croix, un coq qui, suivant une tradition populaire, devait par son chant, annoncer la fin du monde.

Le 21 mars 1697, le conseil tenta de faire ce qui ne fut accompli qu’en 1790 : il délibéra d’acheter le cimetière de Saint-Didier pour agrandir la place. Innocent XII venait alors d’abandonner aux pauvres de la ville les revenus du Grand Sceau ; il fut décidé par acclamation que cette nouvelle place prendrait de ce Souverain Pontife le nom de Pignatelli. Nous ne connaissons pas les motifs qui firent renoncer à ce projet.

La place Saint-Didier était, concurremment avec celle du palais, le lieu ordinaire des exécutions.

Un contemporain raconte que «le samedi 28 mai 1672, un criminel ayant été conduit à la place Saint-Didier pour y être pendu, le bourreau paraissait le faire souffrir en l’attachant à la potence, la populace commença à jeter des pierres en criant : Tue !… Tue !… Ce qui obligea le bourreau à se jeter de l’échelle en bas, pour chercher à se sauver dans la foule. Mais ce fut en vain : il fut assommé et mourut sur la place. La populace traîna ensuite ses restes jusqu’aux Études. Pendant le même temps, on coupa la corde du patient, qu’on porta dans l’église Saint-Antoine, d’où on lui tira du sang. M. de Crillon, premier Consul, et M. Barthélemy, Assesseur, s’y rendirent, et portèrent à ce misérable sa grâce, que lui accordait Mgr le Vice-Légat. Il fut de là transporté à l’hôpital, et le lendemain il était entièrement guéri».

Rapprochons de ce récit, si simple et si court, la relation officielle dont l’original se trouve dans les archives de la ville.
«1er juin 1672. S’étant fait un vol considérable dans cette ville, il y a quelques mois, on en découvrit les auteurs, qui étaient un nommé d’Yvoire, habitant d’Avignon, et deux de ses sœurs. Deux autres frères nommés Sarrepuy, aussi d’Avignon, et un nommé Dufort, étranger, furent leurs complices.

Après les avoir tous saisis et emprisonnés, excepté les Sarrepuy, lesquels on ne put attraper, et leur avoir dressé leur procès, confés et convaincus de ce vol et de plusieurs autres crimes, le Dufort fut condamné à être pendu et étranglé, et le 29 du passé, il fut conduit, à l’accoutumée, au lieu de son supplice, à la place Saint-Didier, où étant arrivé et monté sur la potence, le bourreau qui devait l’exécuter, n’ayant encore jamais pendu personne dans Avignon et ne sachant pas son métier ni ce qu’il faisait ; au lieu de précipiter de l’échelle le patient suspendu en l’air par la corde, il lui monta sur les épaules, tandis que ledit patient était encore sur l’échelle, et lui serrant de toute sa force la corde au col, voulait l’étrangler là-même sans le jeter et sans le secouer.

Mais voyant qu’il ne pouvait pas réussir pour le faire mourir sitôt qu’il fallait, et qu’il n’avait pas su disposer ni attacher ses cordes à propos, il lui donnait de grands coups de genou et du pied dans le cœur et dans les reins, et le faisait ainsi souffrir d’une manière tout à fait pitoyable.

Ce que voyant, plusieurs étrangers et autres personnes qui étaient présentes en grand nombre à ce spectacle, se mirent à crier à l’exécuteur d’avoir compassion de ce misérable et de ne le faire pas longtemps souffrir. Mais cela ne fit aucun effet, car il continua de le tourmenter de la même manière, en sorte que ce pauvre patient se débattait incessamment et remuait de tout son corps sur l’échelle et sous cet infâme. Enfin cela ayant duré quelque temps, quelques-uns d’entre ce peuple, touchés de compassion pour ledit malheureux, et animés contre le bourreau, se mirent à lui jeter des pierres.

Ce que voyant et appréhendant quelque blessure, il se laissa tomber de l’échelle en bas, et donna de la tête en tombant d’où il est mort. Mgr le Vice-Légat, ayant été averti de ce désordre, sortit de son Palais et s’en alla à la place de l’exécution. Nous (les Consuls) nous rendîrent en diligence près de sa personne, et S. Ex. étant arrivé à ladite place, trouva tout le monde fort soumis qui jetait des larmes de compassion, d’avoir vu souffrir d’une manière si étrange ce pauvre patient.

Cependant on avait déjà pour lors emporté le cadavre du bourreau mort. Et peu avant l’arrivée de S. Ex. en cette place, ce monde s’étant aperçu que ce pauvre patient remuait encore à la corde, l’un d’entre eux qu’on ne connaît pas et qu’on dit être un étranger, coupa la corde et l’on porta ce misérable dans la petite église de Saint-Antoine, là tout proche, où ayant encore donné des marques de vie et l’ayant fait savoir à S. Ex., elle ordonna à M. le Marquis de Crillon, premier Consul, de lui faire envoyer des médecins et des chirurgiens, de lui faire tous les remèdes qu’on pourrait pour le remettre, et que, s’il en échappait, elle lui donnait grâce.

On obéit à cet ordre, et ce fut avec succès. Le patient continua de respirer, et s’étant tant soit peu remis, on le porta à l’hôpital par le même ordre. Il y demeura vingt-quatre heures fort mal et sans pouvoir recouvrer la connaissance ni aucun de ses sens. Après ce temps-là, il est revenu, et se porte assez bien présentement. Le lendemain de cette exécution, on eut un autre bourreau par lequel Son Excellence fit donner le fouet par la ville à la sœur ainée dudit d’Yvoire, et le jour suivant, à sa femme et à sa sœur cadette, toutes complices du même vol…»

 

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire